Françoise etGuilaine d'envoyé speciale et le mensonge pour la propagande
J'ai pu retrouver un article d'un journaliste qui vit en Thaïlande depuis 1989... lisez donc, c'est accablant pour ces deux spécimens de la désinformation
La guerre contre les méthamphétamines, lancée le 1er février par le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, avait un objectif noble: éliminer complètement en trois mois le trafic de Ya Ba –la drogue qui rend fou, comme on appelle ici les méthamphétamines– du sol thaïlandais. Mais cette ambition louable a débouché sur une orgie de violence: près de 1000 trafiquants suspectés ont été abattus en un mois, soit une moyenne de quarante personnes par jour. Et cette guerre vicieuse n’épargne ni les femmes, ni les enfants. Fin février, à Bangkok, un garçonnet a été tué lorsque ses parents, des petits trafiquants, ont été piégés par des policiers en civil. Dans le sud, un enfant de seize mois a été tué dans les bras de sa mère, et dans la province de Ratchaburi, au centre du pays, une grand mère de 75 ans, suspectée de trafiquer du Ya Ba, a été abattue de deux balles alors qu’elle se reposait sur le porche de sa maison....
Il n’y a pas de réponse claire à la question de savoir «qui tue qui ?». Le débat sur ce point a tourné à une confusion qui frise des sommet d’absurdité. La version officielle du gouvernement est que l’écrasante majorité des victimes a été éliminée par les «têtes de réseau» de trafic qui craignent d’être dénoncées. En thaï, l’expression utilisée est Ka Tad Ton, ce qui signifie: tuer pour couper la branche de l’arbre. En privé des policiers ont toutefois expliqué en détail comment des sections spéciales de la police éliminaient lors d’opérations clandestines les suspects qui figurent sur une liste noire établie par l’ensemble des commissariats du royaume.
Quand ces escadrons de la mort font leur sale besogne, les policiers de la zone sont priés de cesser toute communication radio; ils ne se rendent sur les lieux du crimes qu’une heure ou deux après la tuerie. Le fait que presque aucun meurtrier n’ait été arrêté alors qu’une guerre des gangs ferait rage dans les campagnes plaide en faveur de la thèse d’une vague d’exécutions arbitraires par la police. La version du gouvernement est qu’une fois la guerre contre la drogue décrétée, les trafiquants se seraient mis immédiatement à s’entretuer; la police n’aurait donc eu pratiquement rien à faire, seulement à observer les règlements de comptes entre malfrats. Quand même, elle aurait éliminé, en état de légitime défense, seize trafiquants.
Liste noire
La quasi totalité des suspects tués figurent sur la liste noire de la police : cela veut il donc dire que la police partage sa liste noire avec les principaux trafiquants ? Dans tous les cas, il est certain qu’un certain nombre de gros trafiquants – politiciens de haut vol, députés, gros hommes d’affaires véreux – profitent de l’atmosphère de permissivité pour régler leurs propres comptes et éliminer ceux qui les gênent. A une demande d’interview, un général de police parmi les plus haut du pays, un «incorruptible» réputé pour son honnêteté, répond par fax : posez-vous une seule question : couper la branche de quel arbre ? Qui sont les gros trafiquants ou les officiels corrompus qui bénéficient des tueries ? C’est là un point clef : il est connu qu’un grand nombre d’officiers de police sont impliqués directement ou indirectement dans le trafic de drogues. Ces mêmes officiers protégent leurs patrons, ces politiciens provinciaux et ces députés qui sont les plus gros trafiquants. Donner carte blanche à la police pour faire le ménage revient donc à leur permettre de supprimer tous ceux qui pourraient donner des informations menant à l’arrestation de leurs « patrons ». C’est toute l’ambiguïté d’appliquer une politique répressive au travers d’un appareil policier gangrené par la corruption.
Il reste la question de l’efficacité. Même si les gros trafiquants échappent au filet de la campagne anti-narcotique, il paraît évident que le trafic va fortement diminuer. Le prix d’un comprimé de méthamphétamines à Bangkok est passé de 120 bahts (3 euros) à 350 bahts (9 euros). Les fournisseurs installés sur la frontière birmano-thaïlandaise ont fortement réduit le nombre de leurs envois. La destruction physique du réseau des petits trafiquants va faire du trafic du Ya Ba une occupation hautement spécialisée, un métier dangereux que seuls les vrais professionnels pourront effectuer comme c’est le cas depuis plus de cinquante ans pour l’héroïne. Le contrôle du Ya Ba, drogue démocratique par excellence, va être repris par les barons du trafic de drogue. Cela ne veut donc pas dire que les toxicomanes disparaîtront, car les autorités thaïlandaises ont très peu entrepris d’activités en ce qui concerne la prévention.
L’une des causes de l’épidémie de Ya Ba –qui était utilisé par les routiers et les riziculteurs de manière tout à fait légale pendant des décennies– réside dans le désarroi des jeunes des petites villes de province, fascinés par les lumières de la grande ville, Bangkok, mais incapables de s’en offrir les agréments. Outre l’énorme disparité sociale entre villes et campagnes, l’autre ferment qui pousse les jeunes à se droguer est l’incapacité apparente du système éducatif thaïlandais à instiller des valeurs morales fondamentales chez les jeunes, tant au sein des familles qu’à l’école.
Société en transition accélérée, brutalement et inéquitablement enrichie, la Thaïlande a perdu ses références traditionnelles sans encore trouver de solides nouveaux points d’appui. Et il est sûrement plus difficile pour un Premier ministre de réformer le système éducatif que de faire abattre les «suspects» au coin des rues.
par Arnaud Dubus lien
Quand ces escadrons de la mort font leur sale besogne, les policiers de la zone sont priés de cesser toute communication radio; ils ne se rendent sur les lieux du crimes qu’une heure ou deux après la tuerie. Le fait que presque aucun meurtrier n’ait été arrêté alors qu’une guerre des gangs ferait rage dans les campagnes plaide en faveur de la thèse d’une vague d’exécutions arbitraires par la police. La version du gouvernement est qu’une fois la guerre contre la drogue décrétée, les trafiquants se seraient mis immédiatement à s’entretuer; la police n’aurait donc eu pratiquement rien à faire, seulement à observer les règlements de comptes entre malfrats. Quand même, elle aurait éliminé, en état de légitime défense, seize trafiquants.
Liste noire
La quasi totalité des suspects tués figurent sur la liste noire de la police : cela veut il donc dire que la police partage sa liste noire avec les principaux trafiquants ? Dans tous les cas, il est certain qu’un certain nombre de gros trafiquants – politiciens de haut vol, députés, gros hommes d’affaires véreux – profitent de l’atmosphère de permissivité pour régler leurs propres comptes et éliminer ceux qui les gênent. A une demande d’interview, un général de police parmi les plus haut du pays, un «incorruptible» réputé pour son honnêteté, répond par fax : posez-vous une seule question : couper la branche de quel arbre ? Qui sont les gros trafiquants ou les officiels corrompus qui bénéficient des tueries ? C’est là un point clef : il est connu qu’un grand nombre d’officiers de police sont impliqués directement ou indirectement dans le trafic de drogues. Ces mêmes officiers protégent leurs patrons, ces politiciens provinciaux et ces députés qui sont les plus gros trafiquants. Donner carte blanche à la police pour faire le ménage revient donc à leur permettre de supprimer tous ceux qui pourraient donner des informations menant à l’arrestation de leurs « patrons ». C’est toute l’ambiguïté d’appliquer une politique répressive au travers d’un appareil policier gangrené par la corruption.
Il reste la question de l’efficacité. Même si les gros trafiquants échappent au filet de la campagne anti-narcotique, il paraît évident que le trafic va fortement diminuer. Le prix d’un comprimé de méthamphétamines à Bangkok est passé de 120 bahts (3 euros) à 350 bahts (9 euros). Les fournisseurs installés sur la frontière birmano-thaïlandaise ont fortement réduit le nombre de leurs envois. La destruction physique du réseau des petits trafiquants va faire du trafic du Ya Ba une occupation hautement spécialisée, un métier dangereux que seuls les vrais professionnels pourront effectuer comme c’est le cas depuis plus de cinquante ans pour l’héroïne. Le contrôle du Ya Ba, drogue démocratique par excellence, va être repris par les barons du trafic de drogue. Cela ne veut donc pas dire que les toxicomanes disparaîtront, car les autorités thaïlandaises ont très peu entrepris d’activités en ce qui concerne la prévention.
L’une des causes de l’épidémie de Ya Ba –qui était utilisé par les routiers et les riziculteurs de manière tout à fait légale pendant des décennies– réside dans le désarroi des jeunes des petites villes de province, fascinés par les lumières de la grande ville, Bangkok, mais incapables de s’en offrir les agréments. Outre l’énorme disparité sociale entre villes et campagnes, l’autre ferment qui pousse les jeunes à se droguer est l’incapacité apparente du système éducatif thaïlandais à instiller des valeurs morales fondamentales chez les jeunes, tant au sein des familles qu’à l’école.
Société en transition accélérée, brutalement et inéquitablement enrichie, la Thaïlande a perdu ses références traditionnelles sans encore trouver de solides nouveaux points d’appui. Et il est sûrement plus difficile pour un Premier ministre de réformer le système éducatif que de faire abattre les «suspects» au coin des rues.
par Arnaud Dubus lien
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